Manœuvre de décontraction automatique du membre supérieur chez l’enfant : une manœuvre au service du geste et de la fonction (Vidéo)
La prise en charge kinésithérapique des enfants présentant des troubles neuromoteurs implique une observation fine du tonus et de la motricité. Si la manœuvre de décontraction du membre inférieur est assez simple à réaliser, le membre supérieur, plus complexe, demande une approche à la fois globale et individualisée. Dans ce contexte, Philippe Boullery, kinésithérapeute expert en neurologie pédiatrique, propose une méthode pragmatique et reproductible pour relâcher efficacement le membre supérieur chez l’enfant.
Pourquoi la décontraction du membre supérieur est-elle plus difficile ?
Chez l’enfant porteur d’un trouble neuromoteur (paralysie cérébrale, hémiplégie infantile, pathologie génétique avec hypertonie…), les schémas de contractions pathologiques des membres supérieurs peuvent présenter une plus grande variabilité, contrairement au membre inférieur où l’on retrouve fréquemment le même schème d’hypertonie en extension.
Certains enfants maintiennent leur bras en rétropulsion, rotation externe d’épaule, flexion/pronation du coude et extension du poignet, d’autres sont en Add d’épaule, flexion/pronation du coude et flexion du poignet et des doigts.
Devant des schémas aussi différents, il est important que le thérapeute puisse s’adapter et proposer la manœuvre la plus appropriée.
Une séquence guidée pour libérer les chaînes musculaires
La manœuvre enseignée par Philippe Boullery s’appuie sur plusieurs principes neuromusculaires :
- La manœuvre commencera par l’utilisation de l’effet ténodèse pour obtenir l’ouverture de la main.
- Elle se poursuivra par l’utilisation de la pronation du coude/rotation interne de l’épaule, essentiel dans la décontraction des chaînes musculaires proximales (épaule).
- La recherche constante du relâchement et de la disponibilité motrice, pour permettre à l’enfant de réaliser des gestes fonctionnels concrets.
Étapes de la manœuvre
- Contact initial et déclenchement de l’effet ténodèse :
Le praticien place un doigt face dorsale du deuxième espace intermétacarpien. En fléchissant légèrement le poignet, on obtient le relâchement des fléchisseurs des doigts et une ouverture de la main peut être initiée. - Travail progressif sur la rotation :
En amenant progressivement l’avant-bras en pronation et l’épaule en rotation interne, les fléchisseurs du coude vont se détendre et permettre l’ouverture du coude. Cette phase est essentielle pour casser les schémas de flexion pathologique et il conviendra selon les enfants d’associer plus ou moins d’abduction de l’épaule pour obtenir le relâchement optimal. - Etirement :
Une fois le coude libéré, on pourra profiter de la décontraction obtenue pour étirer les muscles du membre supérieur en portant le bras en RE/supination, extension du poignet et ouverture des doigts. Cette extension manuelle est réalisée lentement, en respectant les limites tissulaires. - Réintégration fonctionnelle :
Lorsque le relâchement est obtenu, il peut être intéressant de ramener le bras en avant en rotation interne puis de répéter la manœuvre de l’autre côté en cas d’atteinte bilatérale. L’enfant se retrouvera dans une situation de disponibilité motrice et sera immédiatement invité à réaliser un geste fonctionnel comme saisir et manipuler un objet, pointer du doigt, atteindre une cible… L’objectif est d’exploiter la fenêtre de disponibilité motrice pour stimuler les circuits corticospinaux. - Répétition et adaptation :
Si le geste ne peut être reproduit, on recommence la manœuvre en variant les chemins d’accès (réduction de la rétropulsion, ouverture alternative) jusqu’à retrouver une coordination motrice suffisante.
Une approche fondée sur l’observation et la neuroplasticité
Cette méthode respecte les fondements de la kinésithérapie neurodéveloppementale (type Bobath), tout en intégrant des éléments de guidance motrice (Le Métayer). Elle s’appuie sur des principes validés de rééducation du mouvement actif chez l’enfant :
- L’activation du contrôle moteur via des tâches motivantes favorise l’apprentissage moteur.
- Le travail dans un cadre ludique et interactif optimise la participation de l’enfant.
- L’usage de la mobilisation réflexe douce, sans forcer, permet de contourner l’hypertonie sans la majorer.
Pour aller plus loin
Cette manœuvre, bien que simple dans son exécution, nécessite une excellente lecture du tonus, une capacité à adapter ses gestes au quotidien et une compréhension fine du développement moteur de l’enfant. Elle s’intègre parfaitement dans un parcours global de soins en neuropédiatrie, depuis le bilan neuromoteur jusqu’à la rééducation fonctionnelle.
Références scientifiques
- Novak I. et al. (2013). A systematic review of interventions for children with cerebral palsy: state of the evidence. Developmental Medicine & Child Neurology. (Lien vers l’article)
- Damiano DL. (2006). Activity, activity, activity: rethinking our physical therapy approach to cerebral palsy. Physical Therapy. (Lien vers l’article)
- Piper MC, Darrah J. (1994). Motor Assessment of the Developing Infant (Lien vers l’ouvrage)