Activité Physique et Grossesse : Recommandations Essentielles pour les Kinésithérapeutes
SSK vous présente l’article d’Aurélie Araujo, un résumé des recommandations françaises et canadiennes concernant le sport et la grossesse.
Pour ceux qui ont lu les recommandations, vous avez pu constater qu’elles sont quasi similaires. Voyons en premier la synthèse des recommandations canadiennes, qui sont les plus anciennes (novembre 2018), et nous verrons ensuite ce que les recommandations de l’HAS apportent en plus (juillet 2019) !
Recommandations Canadiennes
Les recommandations sont basées sur un examen systématique approfondi de la littérature internationale ainsi que sur des opinions d’experts.
Avantages de l’activité physique chez la femme enceinte : Moins de complications néonatales (exemple : gros bébé) et avantages pour la santé maternelle (diminution du risque de prééclampsie, de diabète gestationnel, d’incontinence urinaire, diminution du gain pondéral gestationnel total…).
Certitude : L’activité physique (AP) n’est pas associée à un risque accru de fausse couche, de naissance prématurée, de rupture prématurée des membranes…
Résumé des recommandations Canadiennes
- Toutes les femmes sans contre-indication (CI) doivent être physiquement actives tout au long de la grossesse (voir CI plus bas).
L’AP au cours du premier trimestre n’augmente pas les risques de fausse couche ou d’anomalies congénitales. Ne pas faire d’activité physique au cours du premier trimestre augmenterait les risques de complications de la grossesse (diabète gestationnel, prééclampsie, hypertension gestationnelle…).
- Durée de l’exercice : Au moins 150 minutes d’AP d’intensité modérée par semaine, réparties sur un minimum de 3 jours (être actif tous les jours est encouragé)
La plus haute intensité d’exercice testée correspond à un jogging. L’innocuité et l’efficacité de l’AP chronique de haute intensité pour la mère, le fœtus et le nouveau-né ne sont pas connues. Une AP de haute intensité peut être pratiquée uniquement dans un cadre surveillé.
On sait que l’intensité de l’AP est modérée grâce au « test de la parole ». La femme doit être capable de parler sans essoufflement lors de l’exercice physique ; si essoufflement, l’intensité est trop élevée.
- Quels exercices ? : Il faut associer des exercices en aérobie (marche, natation…) et des exercices de renforcement musculaire. L’ajout de yoga et/ou d’étirements doux peut également être bénéfique.
- L’entraînement des muscles du plancher pelvien peut être effectué quotidiennement pour réduire le risque d’incontinence urinaire.
- Précaution : Si présence d’étourdissements, de nausées ou de malaise lors des exercices réalisés sur le dos, modifier la position d’exercice (debout ou couché sur le côté).
Moins de 15 % des femmes enceintes atteindraient le seuil des 150 minutes d’exercices par semaine !
Contre-indications (CI) à l’AP
- CI absolues : Rupture des membranes, travail prématuré, saignement vaginal persistant inexpliqué, placenta praevia après 28 semaines de gestation, prééclampsie, béance du col, indice de retard de croissance intra-utérine, grossesse multiple d’ordre élevé (par exemple, triplés), diabète de type I non contrôlé, hypertension non contrôlée, maladie thyroïdienne incontrôlée, autres troubles cardiovasculaires, respiratoires ou systémiques graves.
- CI relatives : Fausse couche récente, hypertension gestationnelle, naissance prématurée antérieure, maladie cardiovasculaire ou respiratoire légère/modérée, anémie symptomatique, malnutrition, trouble de l’alimentation, grossesse gémellaire après la 28e semaine.
Précautions générales de sécurité : Éviter les AP en milieu chaud et surtout humide. Boire avant, pendant et après l’AP.
- AP contre-indiquée formellement : Plongée sous-marine.
- AP contre-indiquées : Activités impliquant un contact physique ou un risque de chute (équitation, ski, sport collectif, vélo…).
- AP recommandées : Marche rapide, aquagym, natation, vélo stationnaire.
Il est recommandé de faire un échauffement et une période de récupération lors de chaque AP.
En cas de diastasis lors de la grossesse
Consulter un kinésithérapeute, éviter les exercices de renforcement abdominal. La marche rapide diminuerait le risque de développer un diastasis.
Arrêt de l’AP et consultation chez le médecin si
Essoufflement excessif persistant qui ne se résout pas au repos, douleur thoracique sévère, contractions utérines régulières et douloureuses, saignement vaginal, perte de liquide amniotique indiquant une rupture des membranes, étourdissements ou malaises persistants qui ne disparaissent pas au repos.
Comment commencer l’AP pendant la grossesse ?
Les femmes auparavant inactives sont encouragées à commencer une AP pendant la grossesse, mais il faut commencer progressivement, à une intensité plus faible et augmenter la durée et l’intensité à mesure que leur grossesse progresse. Celles qui faisaient déjà une AP avant leur grossesse doivent continuer.
En plus de l’AP, il est encouragé d’avoir une bonne alimentation, une quantité de sommeil correcte et de s’abstenir de fumer, de boire de l’alcool, de se droguer (marijuana et autres drogues illicites).
Il existe un questionnaire de 4 pages créé par la Société canadienne de physiologie de l’exercice (SCPE) pour aider les professionnels à identifier les contre-indications à la pratique sportive :
- Questionnaire Sports Montréal « X-AAP pour les femmes enceintes » : https://www.sportsmontreal.com/wp-content/uploads/2022/07/x-aap-enceintes-1.pdf
- Questionnaire SCPE « Menez une vie plus active pendant la grossesse » : https://scpe.ca/wp-content/uploads/2021/05/MVPA_G_Fr.pdf
- Formulaire SCPE de consultation du professionnel de la santé concernant l’activité physique prénatale : https://scpe.ca/wp-content/uploads/2021/05/MVPA_G_PdeS_Fr.pdf
Les recommandations de l’HAS
Voici les grandes lignes (en se concentrant sur la grossesse) :
Une AP adaptée doit être encouragée pendant la grossesse, après une évaluation médicale et obstétricale (via l’x-aap de la SCPE qui donne aussi des exemples d’exercices de renforcement).
L’AP chez la femme enceinte doit être régulière, répartie sur la semaine, individualisée et flexible.
Chez la femme enceinte, le débit cardiaque peut être affecté par la position déclive (compression de la veine cave), donc il faut éviter les exercices en DD à partir de la 24ème semaine d’aménorrhée. Aménager ces exercices en position décubitus latéral ou debout (la position debout immobile prolongée doit être évitée).
Une AP régulière de 150 à 180 minutes/semaine d’intensité modérée, répartie sur un minimum de 3 jours par semaine entraîne des effets bénéfiques sur la santé maternelle, fœtale et néonatale, sans augmentation des risques d’événements défavorables (fausse couche, naissance prématurée…).
Les exercices du plancher pelvien permettent une réduction de 50 % des incontinences urinaires prénatales et de 35 % des incontinences urinaires du post-partum.
L’AP pour qui ?
Fortement recommandée chez les femmes habituellement inactives et/ou sédentaires ainsi que chez les femmes en surpoids ou obèses avant la grossesse (IMC ≥ 25 kg/m²). Conseillée chez les femmes avec un diabète gestationnel.
Comment ?
Si la patiente était peu active avant la grossesse : Augmentation progressive de la durée d’AP (début à 15 minutes pour arriver à 40 minutes, 3 fois par semaine au 2ème trimestre).
Si la patiente était modérément active : Il vaut mieux baisser l’intensité de l’AP sans diminuer la fréquence ni la durée des séances si c’est nécessaire.
Il faut associer des exercices d’endurance et des exercices de renforcement musculaire, en particulier des muscles du plancher pelvien, et des exercices d’assouplissement.
Les sessions d’AP doivent être précédées d’une période d’échauffement de 10 à 15 minutes et suivies d’une période de récupération de 10 à 15 minutes, incluant des mouvements d’assouplissement de faible intensité (étirements doux).
Contre-indications
Légères différences entre les recommandations canadiennes et françaises. Tout ce qui est diabète non contrôlé, HTA non contrôlée… est en contre-indication relative et non absolue. Il y a, en plus comme CI relative, l’obésité extrême, les douleurs orthopédiques et un haut niveau de tabagisme.
Arrêt de l’AP
Idem que pour le Canada, avec en plus une faiblesse musculaire affectant l’équilibre et une douleur ou un gonflement du mollet.
Il est recommandé de ne pas dépasser 60-90 minutes par session, en particulier pour éviter une hyperthermie.
Précautions à prendre lors de l’activité physique
- Éviter le renforcement musculaire avec des contractions musculaires isométriques prolongées ou avec une manœuvre de Valsalva (blocage de la respiration lors de l’exercice)
- Éviter les AP sources de pertes d’équilibre, de chutes ou de traumatismes.
- Éviter les AP en milieu chaud et humide, une hydratation très régulière et le port de vêtements appropriés sont recommandés.
AP les plus recommandées
- La marche, la natation, le vélo stationnaire, des activités aérobies à faible impact et l’aquagym.
- Le yoga et le pilates : pas de risque si l’on évite les positions susceptibles de provoquer une hypotension artérielle.
- La course à pied, le jogging et la musculation ne doivent pas être systématiquement interdits, mais il est préférable d’avoir un avis favorable d’un encadrant obstétrical.
- Le vélo non stationnaire et la randonnée en terrain accidenté sont à éviter à partir du 4-6e mois de grossesse : risques de perte de l’équilibre et de choc sur l’abdomen en cas de chute.
- Les sports de raquette peuvent être pratiqués, mais de manière raisonnée et plutôt pour les femmes possédant un bon niveau technique.
AP contre-indiquées
Si haut risque de chute (équitation, ski alpin, etc.) ou si risque de traumatisme abdominal (sports collectifs avec contacts physiques marqués et sports de combat type arts martiaux). Plongée sous-marine.
SYNTHESE DES RECOMMANDATIONS CANADIENNES ET FRANÇAISES
L’activité physique est bénéfique lors de la grossesse (maîtrise de la prise de poids, réduction de l’HTA…) et ne présente pas de risque particulier (fausse couche…).
Toutes les femmes enceintes devraient pratiquer une activité physique régulière de 150 à 180 min/semaine d’intensité modérée, répartie sur un minimum de 3 jours par semaine.
Moins de 15 % des femmes enceintes atteignent ce seuil d’exercice !
Il est recommandé d’associer des exercices en aérobie (marche rapide, natation…) avec des exercices de renforcement musculaire (dos, plancher pelvien, membres…). Ces séances débuteront par un échauffement et se termineront par une récupération.
Le « test de la parole » permettra de s’assurer que l’intensité de l’exercice est modérée.
Il existe des activités physiques recommandées (marche rapide, natation, vélo stationnaire…) et d’autres contre-indiquées (équitation, ski alpin, arts martiaux, plongée…).
Références des recommandations :
- Society of Obstetricians and Gynaecologists of Canada, Canadian Society for Exercise Physiology, Mottola MF, Davenport MH, Ruchat SM, Davies GA, et al. 2019 Canadian guideline for physical activity throughout pregnancy. Br J Sports Med 2018;52(21):1339-46.
- Haute Autorité de santé. Prescription d’activité physique et sportive pendant la grossesse et en post-partum. Saint-Denis La Plaine: HAS; 2019
Retrouvez la synthèse complète des recommandations + une affiche proposée par le Royaume-Uni synthétisant ces recommandations dans le groupe « Kiné et périnatalité France » ou en suivant ce lien : https://www.facebook.com/groups/1748171668651294/
Après avoir vu les recommandations dans le cadre de l’activité physique (AP) et la grossesse, faisons un point sur l’AP et le post-partum !
L’AP et le Post Partum
L’HAS (toujours dans les mêmes recommandations citées dans un post antérieur) émet plusieurs recommandations :
Nous n’avons pas de doute quant à l’intérêt de l’AP. L’HAS souligne en plus le fait que reprendre le sport en post-partum limite le risque de dépression post-partum, réduit le risque de développer un diabète a posteriori, et aide à stabiliser le poids.
L’intensité de l’effort doit être légère à modérée avec surtout une reprise progressive.
Le sport ne change ni la quantité de lait maternel ni sa qualité. Il faut juste porter une brassière adaptée lors de l’AP. En gros, l’AP est compatible avec l’allaitement.
Quand reprendre ?
Pas avant la consultation post-natale (4 à 6 semaines après l’accouchement) et selon le type d’accouchement :
- Si accouchement par voie basse sans complication : reprise après 4 à 6 semaines possible.
- Si césarienne ou épisiotomie : reprise après 8 à 10 semaines.
Quels sports ?
- Reprise rapide (délai ci-dessus) : marche active à allure modérée, montée des escaliers ou natation modérée.
- Reprise après la réadaptation post-natale (rééducation périnéale ++) : sports avec impact au sol : jogging, tennis, sauts…
Auteur : Aurélie Araujo
Nos deux formations en Périnatalité
SSK vous propose deux formations en Périnatalité :
- Formations Prise en charge de la Périnatalité en Kinésithérapie : Cette formation, dispensée par Aurélie Araujo, propose de prendre en charge de façon globale la femme lors de la période du pré et du post-partum (renforcement de la sangle abdonminale de la patiente, le traitement des cicatrices de césarienne… ) en lui proposant un panel d’exercice conséquent pour s’auto-traiter. (Formation EBP, Eligible au FIFPL/DPC)
- Formation Yoga et Périnatalité : Nous aborderons l’anatomie, physiologie, biomécanique de la grossesse, de l’accouchement, du post partum mais aussi les dérèglements hormonaux et désagréments que peuvent traverser les femmes à différentes périodes de leur vie. Vous découvrirez ou approfondirez vos connaissances sur les principes fondamentaux du Yoga et verrez comment utiliser les outils de la respiration et des postures au service des femmes avant, pendant et après l’accouchement. Formation éligible au FIFPL, dispensée par Clara Bonneau.