Quelles approches de rééducation sont les plus utiles pour accompagner les patients après un AVC ?
L’accident vasculaire cérébral (AVC) est une affection fréquente pouvant entraîner des handicaps importants à plusieurs niveaux (moteurs, cognitifs, communicationnels…). L’après AVC se divise en 3 phases : aigue de J0 à J15, subaiguë de J15 à 6 mois et phase chronique au-delà de 6 mois. Après un AVC, le pronostic dépend de l’étendue de la lésion, mais aussi des facteurs contextuels du patient, de ses antécédents, de son âge… L’ancien cadre de réflexion « biomédical » ne permet pas aux kinésithérapeutes libéraux qui accueillent des patients en phase chronique de les soigner au mieux. On lui préfère maintenant le modèle « Bio-psycho-social« . Nous nous plaçons également dans le cadre de la CIF (classification internationale du fonctionnement), plus complet et non-linéaire, ce modèle nous permet d’appréhender le patient dans sa globalité.
Il faut garder deux choses à l’esprit quand on accueille un patient en post AVC : « déterminisme lésionnel ne veut pas dire déterminisme fonctionnel » et « le cerveau ne s’use que quand on ne s’en sert pas » (use it or loose it).
L’efficacité générale de la rééducation
Les données probantes suggèrent que la rééducation dans son ensemble est efficace pour améliorer la récupération fonctionnelle et la mobilité après un AVC. Par rapport à l’absence de rééducation, elle peut améliorer entre autres, les activités de la vie quotidienne, le mouvement des jambes, l’équilibre et la marche. Il est également important de noter que l’efficacité de la rééducation dépend de sa fréquence, son intensité, sa durée et son contenu. Les techniques actives sont à privilégier par rapport aux techniques passives. D’après l’HAS, ces dernières n’ont pas fait la preuve de leur efficacité, contrairement aux techniques actives, avec des recommandations de grade A. Les prises en soin longues et de groupe permettent également de pratiquer plus d’exercices, elles favorisent aussi un soutien par les pairs, essentiel pour aider le patient à affronter les conséquences de son handicap.
Approches spécifiques pour la mobilité : quelques cas particuliers
La littérature évalue l’efficacité des techniques actives, certaines ont déjà un niveau de preuve élevé :
- L’entraînement du tronc : Une déficience du fonctionnement du tronc est fréquemment observée après un AVC et peut se caractériser par une mobilité réduite, un équilibre assis réduit, une force musculaire diminuée et des schémas d’activation musculaire altérés. L’entraînement du tronc vise à restaurer cette fonction. Il peut inclure l’entraînement musculaire des abdominaux et des dorsaux, des exercices ciblant la mobilité du tronc, ou l’amélioration de l’équilibre latéral ou antérieur en position assise. Les études suggèrent que l’entraînement du tronc pourrait améliorer significativement :
- Les activités de la vie quotidienne (AVQ).
- La fonction du tronc.
- L’équilibre en position debout.
- La capacité de marche.
- L’utilisation fonctionnelle du bras et de la main affectés, ainsi que les mouvements du membre inférieur affecté.
- La qualité de vie. Les approches les plus couramment utilisées dans les essais inclus sont l’entraînement de la stabilité du tronc, l’entraînement sélectif et l’entraînement du tronc instable. Il n’a pas été observé d’augmentation des événements indésirables graves avec l’entraînement du tronc.
- Les interventions pour se lever depuis la position assise : Se lever depuis la position assise est une tâche fonctionnelle essentielle, préalable à la marche et importante pour l’indépendance et la prévention des chutes. Les preuves indiquent que les exercices visant à améliorer la performance de transfert assis debout ont des effets bénéfiques par rapport aux soins habituels. Les personnes ayant participé à ces études se levaient plus rapidement et augmentaient la quantité de poids portée par la jambe affectée par l’AVC. Ces bénéfices pouvaient même être maintenus plusieurs mois après la fin de la session. Les interventions efficaces comprennent l’entraînement spécifique tâche orienté aux transferts, ou des programmes d’exercices l’incluant. Les études suggèrent que des sessions trois fois par semaine pendant deux à trois semaines pourraient être suffisantes pour un effet bénéfique. Il est important de noter que ces résultats concernent principalement les personnes capables de se lever et de marcher de manière indépendante au début de l’étude.
- L’entraînement des tâches fonctionnelles : Cette approche se concentre sur la pratique active de tâches de la vie réelle dans le but d’acquérir ou de réacquérir une capacité de mouvement. Les données probantes suggèrent que la rééducation axée sur l’entraînement des tâches fonctionnelles pourrait améliorer les activités quotidiennes et le mouvement des jambes. Les bénéfices de cette approche étaient durables à long terme. Comparativement, les approches neurophysiologiques (comme l’approche « Bobath ») traditionnellement employées n’ont pas fait la preuve de leur efficacité.
Considérations et qualité des données probantes
En sciences de la rééducation, la difficulté pour évaluer l’efficacité des techniques est due à certains facteurs limitants : constituer des échantillons de patients suffisants, effectuer les essais randomisés en double insu, le caractère multimodal des variables qui sont étudiées, la complexité et la diversité des profils de patients. Les études évaluant chaque technique l’une après l’autre, et la recherche étant un processus par essence long et coûteux, les niveaux de preuve de toutes les techniques proposées en rééducation post AVC sont variables.
Il est crucial de considérer la qualité des données probantes, qui varie de très faible à modérée selon les critères de jugement et les interventions. De nombreuses études présentent des variations importantes entre les participants, les interventions, les critères de jugement et les comparaisons, ainsi que des problèmes de rapport des détails, ce qui limite la confiance dans les résultats statistiques. Le temps écoulé depuis l’AVC et l’approche thérapeutique spécifique peuvent également influencer les résultats.
En résumé, la rééducation post-AVC est fondamentale pour la récupération de la mobilité. Les techniques actives sont à privilégier par rapport aux techniques passives, mais elles nécessitent une réflexion en amont sur la faisabilité en cabinet libéral. L’entraînement à la marche, les exercices tâches orientés et les exercices fonctionnels semblent montrer le plus d’intérêt pour la rééducation du patient ayant subi un AVC.
Les kinésithérapeutes peuvent s’appuyer sur les données actuelles de la littérature, tout en restant conscients de la qualité des preuves, pour adapter au mieux les programmes de rééducation aux besoins individuels de leurs patients. Ce qui signifie que plus les thérapeutes utilisent de techniques actives variées, et plus ils sont sûrs de proposer des soins efficaces à leurs patients… tout en luttant contre la monotonie !
Sources
- Entraînement du tronc pour améliorer les activités des personnes ayant subi un AVC | Cochrane
- Source : Cochrane Database of Systematic Reviews 2023, Issue 3.
- Auteurs : Thijs L, Voets E, Denissen S, Mehrholz J, Elsner B, Lemmens R, Verheyden GSAF
- Interventions pour améliorer la capacité à se lever depuis la position assise après un AVC | Cochrane
- Source : Cochrane Database of Systematic Reviews 2014, Issue 5.
- Auteurs : Pollock A, Gray C, Culham E, Durward BR, Langhorne P
- Quelle est l’efficacité des différentes approches de rééducation dans la récupération des fonctions, de l’équilibre et de la marche après un accident vasculaire cérébral (AVC) ? | Cochrane
- Source : Cochrane Database of Systematic Reviews 2025, Issue 2.
- Auteurs : Todhunter-Brown A, Sellers CE, Baer GD, Choo PL, Cowie J, Cheyne JD, Langhorne P, Brown J, Morris J, Campbell P
- Rééducation à la phase chronique d’un AVC de l’adulte : Pertinence, indications et modalités| HAS
- Lien : https://www.has-sante.fr/jcms/p_3150692/fr/reeducation-a-la-phase-chronique-d-un-avc-de-l-adulte-pertinence-indications-et-modalites
- Bobath therapy is inferior to task-specific training and not superior to other interventions in improving arm activity and arm strength outcomes after stroke: a systematic review| Journal of Physiotherapy
- Lien : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1836955322001151
- Source : Journal of physiotherapy, 2022
- Auteurs : Simone Dorsch , Cameron Carling, Zheng Cao, Emma Fanayan, Petra L Graham, Annie McCluskey, Karl Schurr, Katharine Scrivener, Sarah Tyson