63 JOURS POUR REVENIR À LA COMPÉTITION APRÈS UNE FRACTURE DU PIED
QUEL PROTOCOLE METTRE EN PLACE SUITE A UNE FRACTURE DU PIED LORS D’UNE SORTIE LORSQUE L’ON EST COUREUR TRAIL ? L’EXEMPLE DE GERMAIN GRANGIER.
Le 24 mars 2017, en fin de journée, Germain Grangier, coureur Trail du Team Inov-8 France, se fracture le troisième métatarsien du pied droit alors qu’il dispensait des conseils techniques en descente au cours d’un camp Trail Organicoach qu’il organisait avec un ami. ‘’Je commençais à descendre en disant aux coureurs de m’emboiter le pas, et en me retournant pour voir s’ils me suivaient, je pose le pied sur une pierre tranchante alors que j’arrivais avec une certaine rigidité dans la jambe’’ nous raconte-t-il. Instantanément, après cette pose de pied très brutale, il lui fut impossible de reprendre appui… La radio révèlera une facture sans déplacement. Rétrospectivement, il pense que cette blessure n’est pas seulement due à la pierre, ‘’trop de fatigue, du stress, une nouvelle vie, cela a perturbé l’équilibre que j’avais avant’’, d’autant qu’il ne s’était pas économisé physiquement durant ce camp Trail. Une blessure qui pousse à davantage de clairvoyance, confie-t-il.
Une reprise d’appui introspective
Débute alors une période de repos forcé durant laquelle il va tout mettre en œuvre pour faciliter l’ossification jusqu’à pouvoir de nouveau marcher, puis courir. Son médecin traitant lui conseille de ne pas poser le pied durant quinze jours à trois semaines. Il le reposera au bout de 10 jours avec des béquilles en veillant à exercer peu de pression. ‘’Je n’avais pas de plâtre. Je posais mon pied en éversion sur le premier métatarsien, ce qui n’est pas terrible d’un point de vue technique, mais comme je ne voulais pas prendre d’anticoagulants et solliciter les tissus je n’avais pas le choix. Durant 10 à 15 jours je faisais seulement deux tours de maison dans la journée. Je gérais la pression que j’exerçais sur le pied et fonctionnais à la sensation. Ce n’est pas ce que l’on peut appeler de grandes marches !’’
De la natation au vélo
A J+8, il reprend la natation sans enthousiasme avec la crainte de taper contre les rebords de la piscine et de se faire chahuter par d’autres nageurs. ‘’Je m’ennuyais fortement sportivement, mais une fois de plus je n’avais pas le choix’’ nous dit-il. De la natation il passe à l’Aquajogging sans toucher le sol, car ‘’parfois juste la pression de l’eau lors de la poussée était douloureuse’’ nous explique-t-il. Progressivement il met de plus en plus de contraintes sur son pied droit en appuyant davantage, dans la limite de la douleur, jusqu’à ne prendre plus qu’une béquille qu’il utilise du bras gauche. Parallèlement, il reprend le vélo d’appartement en pédalant dans un premier temps uniquement avec le talon puis en alternant talon, milieu du pied et avant-pied. L’objectif est d’activer la circulation sanguine et de faciliter la cicatrisation afin qu’elle s’effectue le plus rapidement possible. Viennent ensuite les premières sorties vélo en extérieur pendant lesquelles il continue d’alterner talon, milieu du pied et avant-pied. ‘’Dès qu’il y avait un trou je levais le pied’’ fait-il remarquer. ‘’J’alternais 10 mn sur l’avant-pied puis 10 mn sur le talon, je mettais de plus en plus l’avant-pied sous contrainte’’.
‘’Chaque jour je sentais que cela progressait. Le seuil de douleur s’élevait, c’était de plus en plus tardif, jusqu’à pouvoir marcher sans béquille’’.
Du vélo au footing
Aux alentours du 5 mai il tente un premier footing de 20 minutes à allure modérée. ‘’Ce n’était pas top. J’avais une espèce de gène. D’autant que j’ai en plus posé le pied sur une pierre !’’ Il préfère alors attendre une semaine de plus. Ce n’est qu’à partir du 12 mai qu’il a pu réellement reprendre les footings sur des surfaces molles, de préférence en montée, car cela lui permet de gérer plus facilement la pression qu’il exerce sur le pied. Il évite de courir sur la route et le plat car plus impactant de son point de vue mais également éloigné de sa pratique. ‘’Je me concentrais sur le dosage de la pression sur l’avant-pied. Je marchais/courais moins vite et moins longtemps. Des montées et descentes très raides, 30% avec bâtons pour pouvoir décharger le poids sur mon pied. Une configuration qui me permettait de m’entrainer en montagne’’ nous explique-t-il.
Du footing à la première course
La reprise se poursuit et s’intensifie jusqu’à une première course le 28 mai en Espagne. Zégama, 42 km, 2700 m de dénivelé positif (http://www.zegama-aizkorri.com ). Une des courses les plus relevées au monde. ‘’Au début j’y allais pour accompagner mon amie Katie, mais finalement j’ai fait la course (29ème en 4h19’). J’étais aux alentours du top 15 avant la dernière longue descente. J’ai poussé dans les zones ascendantes et limité la vitesse dans les zones descendantes et techniques, car muscuclairement et techniquement j’étais juste. Au niveau mental cela m’a complètement débloqué car j’avais tout de même quelques a priori quant à la solidité de mon pied. J’ai couru sans aucune douleur’’.
Après cette course à J+64, il a repris ses entrainements comme avant, soit 5 sorties à pied par semaine et le reste à vélo. ‘’J’ai surtout travaillé la descente et la vitesse en descente ce qui a tendance à produire pas mal de chocs mais sans aucun souci’’. Sur sa lancée, le 18 juin il participe à la seconde manche de la Coupe du monde Skyrunning à Livigno en Italie où il termine 14ème en 4h23 (34 km, 2700 m de dénivelé. Un Trail dont le parcours oscille entre 2500 et 3000 mètres d’altitude. http://www.altavaltellinaskyrunning.com). ‘’Je me rapproche petit à petit, pas de douleur, et dans la dernière descente j’ai pu courir avant-pied comme avant. J’ai retrouvé les sensations que j’avais l’année dernière’’ nous explique-t-il avec le sourire. Fin du protocole à J+84, la course reprend !
Le mental pour plus de symétrie
Quand il se remémore cette période, il insiste sur l’importance du travail mental pour reprendre confiance dans la prise et la conduite de l’appui. ‘’Inconsciemment je ne posais pas le pied de la même façon car je n’avais pas totalement confiance dans mon pied, même si la radio montrait la présence d’un cal osseux. En bas des descentes je sentais que ma cuisse gauche était davantage fatiguée que ma cuisse droite ! Et j’ai pu également constater une fonte musculaire du mollet droit’’. Après la fracture ‘’il faut retravailler l’appui jusqu’à avoir pleinement confiance’’ insiste-t-il. Il n’a pas hésité à mettre un peu plus de protection sous le pied et des chaussettes molletonnées durant cette période en utilisant des Trail Talon 275 de chez Inov-8 .
Que retenir :
- Etre à l’écoute de son corps et respecter ses limites
- Etre patient et progressif dans la reprise d’une activité après blessure
- Savoir exploiter différentes disciplines sportives pour faciliter la reprise
- Faire attention à l’apparition d’asymétries dans le geste et le corps. Le fait de se déplacer d’un point A à un point B en courant ne garantit en rien une gestuelle symétrique et optimale, d’où la nécessité d’une analyse régulière de son corps et de sa gestuelle.
- L’importance du mental pour reprendre confiance dans l’appui et ne pas développer des asymétries.
Pour aller plus loin :
- Le site de l’auteur (Fred Brigaud) www.eadconcept.com
- Facebook Germain Grangier : https://www.facebook.com/germain.grangier
- Instagram : https://www.instagram.com/grangier_germain/
- flickr : https://www.flickr.com/photos/144490594@N05/albums
- Strava : https://www.strava.com/athletes/ggrangier
- ‘’Guide de la foulée’’, Frédéric Brigaud, Editions DésIris, nouvelle édition Oct 2016 http://amzn.to/2cNmCkR
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Lieu et dates : Saint Etienne 9-10-11 novembre 2017
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